Tuesday, July 17, 2018

CAN: le stade d'Oyem, un "éléphant blanc" au coeur de la forêt ?

Après RD Congo-Ghana, l'une des affiches des quarts de finale, quand se déroulera la prochaine rencontre d'envergure dans l'enceinte d'Oyem ? Il faudra attendre déjà que les travaux soient complètement terminés... d'ici "juin 2017", selon les responsables du chantier.
Achevé à "95%", l'écrin flambant neuf de 20.000 places, impeccable à l'intérieur et répondant aux normes de la CAF et de la Fifa, a donné un spectacle peu commun durant la première quinzaine de la compétition.


Aux abords de l'enceinte, les tractopelles et la centaine d'ouvriers chinois, employés par la société de construction, étaient toujours à pied d'oeuvre pour la mise en place d'espaces verts et pour livrer les parkings et l'hôtel d'une vingtaine de chambres initialement prévus.
"L'objectif du gouvernement sera de faire de ce stade un pôle économique pour la région du Woleu-Ntem (nord-est du Gabon, NDLR)" avec la création de "2000 emplois" pour "fin 2017", explique à l'AFP Franck Domingo, chef de projet de la construction du stade d'Oyem.
- Eau courante et électricité -
Mieux, il s'agit d'une "véritable opportunité pour faire de cet endroit, le point central d'un schéma directeur d'aménagement urbain d'où pourra éclore une nouvelle ville avec des logements sociaux, des commerces, des écoles et autres équipements collectifs", avait déclaré l'ancien ministre des sports Blaise Louembe, lors de la pose de la première pierre en septembre 2015.
"Le fait d'avoir situé le stade à 17 km de la ville d'Oyem va permettre de développer tous les villages qui seront tout autour", ajoute M. Domingo. Un enjeu majeur pour le Gabon, qui compte seulement 1,8 million d'habitants dans un territoire grand comme la moitié de la France.
Pourtant selon Pierre Mbé, habitant du village d'Assok-Ngomo qui jouxte l'enceinte, ni "l'eau" courante, ni "l'électricité" censées être apportées ne sont encore arrivées.
"Pour moi, la CAN, ce stade là, c'est une fierté, non seulement pour Oyem, mais pour mon village. Mais nous sommes en colère, car sur tout ce que l'on nous avait promis, il n'y a rien", confie le villageois. Un problème résolu "d'ici trois mois" promettent les responsables du chantier.
Mais ce qui inquiète davantage les habitants, c'est l'utilisation prochaine et la rentabilité incertaine d'un stade qui aura coûté environ 75 millions d'euros, selon plusieurs sources.
- 'Chasse aux porcs-épics' -
"C'est un gâchis terrible!", déplore le maire d'Oyem Vincent Essono Mengue, élu "indépendant" et ancien ministre qui ne croit pas à la viabilité du projet.
"Si on avait de l'argent à mettre quelque part ce ne serait pas dans une CAN. Nous manquons de routes. On a rafistolé les voiries juste pour que quand vous (les visiteurs) venez vous ne voyiez pas ces trous", confie-t-il à l'AFP.
Un avis partagé par Rémy Ebanega, président du syndicat des joueurs professionnels du Gabon, qui ne voit pas son club formateur l'US Oyem, principal club de la ville qui joue actuellement en deuxième division, remplir l'enceinte tout au long de l'année.
"Si déjà pour la CAN, il n'y a personne qui va au stade, imaginez pour le championnat gabonais", explique-t-il à l'AFP, alors que l'affluence des trois derniers matches de la compétition n'a pas dépassé les 8000 personnes, dans une ville qui compte environ 70.000 habitants.
Tandis que les autorités privilégient plutôt l'accueil des matches de l'"équipe nationale" ou l'organisation de "grandes compétitions internationales", M. Ebanega pointe les coûts que représente son éloignement.
"Le taxi va me coûter plus cher que le billet du match ! C'est un gros budget donc rien que pour ça, si quelqu'un était motivé pour le regarder, il ne pourra pas", souligne-t-il.
De là à déjà qualifier le stade d'"éléphant blanc" ? L'édile, qui garde le souvenir d'un projet similaire pour un "sommet de l'Organisation de l'unité africaine", en est convaincu.
"Le défunt président (Omar) Bongo avait cru bon de construire une belle cité loin des habitations, loin des villes. Aujourd'hui vous pouvez y faire la chasse aux porcs-épics et autres dedans", raconte-il, espérant être "encore vivant" dans dix ans pour poser la question suivante: "Où en sommes-nous aujourd'hui ?"

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